"La Rivista di Engramma (open access)" ISSN 1826-901X

VAUQUELIN, 1587

J. Vauquelin, Oraison, De ne croire legerement à la Calomnie, Caen 1587

Il peignit premierement au costé droit vn certain graue personnage assis en vne chaire, ayant des oreilles presq'aussi grandes & longues, que celles qu'on dit que Roy Midas souloit avoir, approchantes à peu pres en grandeur de celles d'vn asne. Aux deux costez de sa chaire sont deux dames, qui semblent estre assez accostables & aisees à gouerner: elles luy assistent comme ses deux principales conseilleres: lesquelles, si ie ne me trompe, s'appellent l'vne Ignorance, & l'autre Deffiance ou Suspicion: d'ailleurs cest homme semble auec un bon visage tendre la main de loin à la dame Calomnie, qui vient à luy. Ceste Calomnie est vne damoiselle qui paroist estre disposte, gaillarde & prompte, accoustree & habillee proprement, nette & bien goderonnee, bien coiffee, & ayant les cheueux bien attiffez & agencez: laquelle s'approchant au grand pas, monstre par l'aspect de sa face, mesme par son port & contenance, qu'elle port auec elle vne rage couuerte & desmesuree, vne rancueur, & vne haine pleine d'enuie: & monstre encore qu'elle cache vne vengeance mal entalentee, & vne ire conceuë dans vne poitrine bruslante de courroux. Car en sa main gauche elle tient vne torche flambante: & de la droite elle traine par les cheueux vn jeune garson, lequel tendant les mains iointes au Ciel (come l'appellant tesmoin de son innocence) implore, chetif & pitoyable, l'aide des Dieux immortels. Au deuant d'elle marche vn homme ayant le teint palle & plombé, & lequel pour sa couleur iaunastre & safrannee, semble estre mal sain, & peu vigoureux: toutesfois il a la veuë perçante, clair & aiguë, n'estant aucunement trouble ni morne: au rest, il est du tout semblable à ceux qui sont decolorez par vne langueur de maladie: on peut aisément comprendre que par cestuy-ci est l'Enuie representee. Apres suiuent encore à la queuë quelque nombre de seruantes, qui semblent accompagner la dame Calomnie leur maistresse: lesquelles on diroit à les voir, que elle ont la charge de l'enhorter, de l'enseigner, de l'aduertir, de l'animer, de luy bailler memoires, instructions & billets: de l'aigrir, de l'esguillonner, & de l'encourager sans cesse. L'interprete de la peinture dit, que ces chambrieres sont les trahisons, les faussetez, les machinations, les impostures, les cautelles, & les surprises, qui seruent de Dames de chambre à la Calomnie. Finalement, apres toute ceste suit vient dame Repentance en habit de deuil, pourement & nonchalament vestue: laquelle pleine de pitié, honteuse, & toute fondante en larmes, tourne la teste en arriere, & tend la main à la dame Verité qui la suit de loin. Voila comme Apelle se ioua de sa fortune en ce tableau.